L’Afrique de l’Ouest est dans la tourmente depuis les indépendances. Les armées nationales, créées pour défendre l’intégrité des territoires et la souveraineté des Etats, n’ont jamais vraiment été à la hauteur de cette immense responsabilité. L’absence de vocation républicaine est en partie la cause de cette malédiction originelle.
Hormis quelques rares exceptions dans une petite poignée d’Etats, l’Afrique de l’Ouest a été le théâtre de coups d’Etat en répétition orchestrés par des militaires dont le seul talent est de compromettre la marche démocratique de leurs peuples respectifs.
Quoique se présentant bien souvent en sauveurs, remettant systématiquement en question les pratiques gouvernementales des pouvoirs qu’ils déboulonnent, ces putschistes n’ont jamais réussi à faire mieux. Peut-être seulement 2% de tous ces putschistes qu’a connus la sous-région ouest-africaine furent, en raison de la sincérité de leur engagement, appréciés par leur peuple. Tout le reste gît désormais dans la poubelle d’un passé que nul n’a envie de revivre.
Cette pénible histoire d’incessants coups d’Etats semblait s’être inversée ces dernières années. Les guerres civiles, les troubles internes, l’insécurité, la faillite des tyrannies gouvernantes… semblaient avoir finalement fait prendre conscience de la nécessité de démocratisation de nos Etats pour pacifier les relations sociales.
Cette révolution démocratique a trouvé en Afrique de l’Ouest un écho favorable. La maturation politique des citoyens a exacerbé leur volonté de prendre part à la construction nationale, à l’équilibre des pouvoirs. Et partout, les dictateurs, désormais minoritaires dans ce pré-carré, voyaient leur autorité menacée, leur régime chanceler.
Curieusement, alors même que le peuple gagnait en force et devenait de plus en plus exigeant, des comédiens armés ou encagoulés, incapables d’affronter des djihadistes aux équipements rudimentaires, ont fait irruption sur l’espace politique en renversant les présidents démocratiquement élus.
Dupant le peuple par des discours populistes et panafricanistes qu’ils sont incapables de mettre en œuvre, ils pointent du doigt la mauvaise gouvernance pour justifier leurs actions. A supposer même que la justification invoquée soit exacte – ce qui était le cas dans bien d’endroits – à quel moment appartient-il à un militaire le droit de renverser un pouvoir au motif qu’il est corrompu ?
Le rôle de la défiance appartient au seul peuple souverain. Seul lui peut exiger la démission d’un président et la traduction des malfrats devant la justice, pas un militaire, peu importent son rang et son grade, peu importent ses idées et ses fantasmes. Il est lié par un serment d’honneur à l’endroit de la République et de ses institutions. A défaut de les protéger, il ne peut, par l’usage de la force ou de n’importe quel autre moyen, provoquer leur chute.
Ce qui se passe aujourd’hui au Niger est inacceptable. La garde présidentielle dont la mission est de protéger le président se permet de le séquestrer ! Où va-t-on avec de telles pratiques ? Le président de la République n’est plus en sécurité avec ceux qui sont censés mourir pour lui. Et nos peuples acclament cette trahison. Chaque injustice que nous acceptons, nous en faisons un précédent qui nous sera opposable demain.
Certes le coup d’Etat est consommé. Hier, les forces soi-disant de défense et de sécurité, réunies sous la bannière du Conseil National pour la Sauvegarde la Patrie, ont fait irruption à la Radiotélévision nigérienne pour annoncer avoir pris le pouvoir. Elles ont annoncé la suspension des institutions, la fermeture des frontières, l’expédition des affaires courantes par les secrétaires généraux des différents ministères, enfin tout le tralala habituel.
Le Niger, sortant d’une élection il y a à peine 2 ans, est donc désormais en transition comme le Mali, la Guinée et le Burkina.
Un pays ne se développe jamais sans principes, sans valeurs. Si la démocratie est le principe, il faut respecter ses lois. Si vous avez choisi l’élection comme mode de désignation de votre président, utilisez le même droit pour le sanctionner au moment venu. S’il change les règles de jeu, exigez sa démission. Si la démocratie ne vous convient pas, vous pouvez institutionnaliser le coup d’Etat. A ce moment, personne ne vous jugera.
Cependant, maintenir la démocratie comme principe et renverser le président après seulement deux ans n’est pas digne d’un peuple. Le président Bazoum a été élu en 2021, de quoi peut-on l’accuser aujourd’hui ? Les nouvelles autorités mettent en exergue la mauvaise gouvernance et l’insécurité pour justifier le coup d’Etat. De qui se moque-t-on ?
Les transitions militaires ne sont pas la solution pour sortir nos Etats de leur condition de sous-développés ; elles nous y ont d’ailleurs plongé. La solution est ailleurs.