La question de la représentation féminine dans les instances décisionnelles constitue un enjeu crucial dans de nombreuses sociétés, et la Guinée n’échappe pas à cette réalité. Dans un pays où les défis socio-économiques sont nombreux, l’inclusion des femmes dans les processus décisionnels pourrait apporter des solutions innovantes et adaptées aux besoins spécifiques de la nation. La diversité dans la gouvernance favorise non seulement une meilleure compréhension des enjeux locaux, mais elle reflète également la richesse culturelle et sociale du pays, permettant ainsi d’adopter des politiques plus justes et équilibrées.

Parmi les rôles essentiels au sein des collectivités locales, celui de chef de quartier se distingue par son importance symbolique et fonctionnelle. Ce poste joue un rôle clé dans la gestion quotidienne des affaires locales et dans l’interaction entre les citoyens et les autorités.

Le chef de quartier est souvent le premier point de contact pour les préoccupations des habitants, ce qui signifie que sa vision et ses décisions peuvent avoir un impact direct sur la vie quotidienne des familles. Pourtant, Il est frappant de constater que peu de femmes ont eu l’opportunité d’occuper ce poste : cette marge reste en dessous de 10 % sur les 4 112 quartiers de la Guinée, dont la région de Conakry en compte 96. Ce qui, de toute évidence, soulève des questions sur l’égalité des chances et l’accès au pouvoir pour les femmes en Guinée.

La sous-représentation des femmes à ce poste crucial illustre non seulement une inégalité persistante, mais aussi une perte potentielle pour la collectivité.

Pourquoi y a-t-il moins  de femmes à ce poste  ?

Il est tout d’abord important de rappeler les dispositions du Code des collectivités locales guinéen, qui stipule que tous les citoyens, sans distinction de sexe, ont le droit d’être élus aux différentes instances. Mais comme souvent en Guinée, les textes sont une chose, et leur applicabilité sur le terrain en est une autre. Cela met à nu les  obstacles systémiques qui persistent, toujours plus colossaux.

L’absence des femmes à ce poste peut être attribuée à plusieurs facteurs socio-culturels, économiques et politiques comme :

Les normes culturelles et patriarcales 

A l’instar de nombreux pays d’Afrique, la société guinéenne est profondément influencée par des normes patriarcales qui favorisent les hommes dans les rôles de leadership. Ces normes sont souvent ancrées dans des traditions culturelles qui valorisent la masculinité au détriment de la féminité, créant ainsi un environnement où les femmes sont systématiquement sous-représentées dans les instances décisionnelles. Les stéréotypes de genre, chevillés au cœur de la conscience collective, limitent considérablement les opportunités d’accès des femmes à des postes influents. En conséquence, elles sont fréquemment perçues comme des figures secondaires, leur potentiel et leurs compétences étant souvent minimisés ou ignorés.

Le rôle de chef de quartier est particulièrement révélateur de cette dynamique. Considéré comme une fonction essentielle au sein de la chefferie traditionnelle, ce poste est généralement réservé aux hommes. Les femmes sont souvent cantonnées à des rôles traditionnels qui ne leur permettent pas d’accéder à cette position stratégique. Cette exclusion est alimentée par l’idée préconçue selon laquelle, en cas de conflit ou de prise de décision cruciale, ce sont les hommes qui doivent s’exprimer et agir. Les femmes, quant à elles, sont souvent perçues comme devant se limiter aux tâches ménagères, renforçant ainsi l’idée qu’elles n’ont pas leur place dans les débats publics ou les processus décisionnels.

Le manque de représentation politique 

La représentation des femmes dans la politique guinéenne a toujours été très faible, illustrant ainsi un déséquilibre de genre qui persiste à tous les niveaux de décision. Selon l’Institut nationale des statistiques en Guinée, en 2022, les femmes occupent moins de 10 % des sièges au sein de l’Assemblée nationale, un chiffre qui témoigne non seulement d’une sous-représentation, mais aussi d’un manque de voix féminines dans les discussions politiques cruciales qui façonnent l’avenir du pays.

Cette situation est exacerbée par le fait que les chefs de quartier, autrefois élus par leurs communautés, sont désormais nommés. Ce changement dans le processus de désignation a davantage réduit les opportunités pour les femmes d’accéder à des postes de leadership local. La nomination favorise souvent les réseaux masculins établis, et perpétue la dynamique patriarcale qui limite l’inclusion des femmes dans les structures décisionnelles.

Manque de soutien 

Il existe un besoin pressant de soutien de la part des communautés et des familles concernant le leadership féminin. Les familles jouent un rôle actif dans cette dynamique. Elles doivent encourager les femmes à s’engager et à revendiquer leur place en tant que leaders.

Il est important de faire comprendre que les positions de leadership ne sont pas exclusivement réservées aux hommes, et que les femmes ont tout autant le droit d’y accéder et de contribuer à la prise de décision au sein de leurs communautés. De plus, la place des femmes ne se limite pas aux tâches ménagères ou aux rôles dits traditionnels. Elles possèdent des compétences, des talents et des visions qui peuvent enrichir notre société.

Pourquoi faut-il nommer une femme cheffe de quartier ?

La nomination d’une femme au poste de cheffe de quartier représente bien plus qu’un simple changement de figure. C’est un pas significatif vers l’égalité des sexes et une meilleure représentation des besoins de la communauté.

Les femmes apportent souvent des perspectives uniques qui enrichissent considérablement le processus de prise de décision. Leurs expériences et leur sensibilité aux enjeux sociaux peuvent transformer des approches traditionnelles et orienter les priorités vers des problématiques fondamentales. 

Ainsi, dans plusieurs pays où des femmes ont été nommées à des postes de leadership local, on a observé des changements significatifs dans l’agenda politique et social. Au Rwanda, avec 61 % de femmes au parlement, les investissements en santé et éducation ont augmenté, faisant grimper le taux d’alphabétisation à 73 %. Comptant 47 % de femmes au parlement, la Suède a instauré des politiques sociales favorisant l’égalité et le bien-être. Ceci a considérablement facilité l’accès à la garde d’enfants et augmenté la participation des femmes sur le marché du travail. Ces exemples illustrent l’impact positif de la présence féminine dans les instances décisionnelles.

Une femme cheffe de quartier est plus à même d’être en phase avec les défis quotidiens rencontrés par les familles, notamment celles dirigées par des femmes. Prenons l’exemple d’une initiative menée par une femme cheffe de quartier dans un village en Ethiopie dans les années 2000. Elle a notamment mis en place un programme d’alphabétisation pour les mères afin que ces dernières puissent mieux soutenir leurs enfants dans leur éducation. Résultat : une notable augmentation du taux d’inscription scolaire dans sa communauté.

Par ailleurs, les femmes sont souvent perçues comme des agents de paix et de médiation au sein des communautés. Leur capacité à établir des relations solides favorise la cohésion sociale. Comme en témoignent, dans certaines régions d’Afrique du Sud, les femmes leaders qui ont joué un rôle clé dans la résolution des conflits locaux en utilisant leur approche collaborative et empathique.

Prenons le cas du Rwanda à titre illustratif, où la représentation féminine au sein du gouvernement est l’une des plus élevées au monde. Après le génocide de 1994, le pays a mis en place des mesures pour favoriser l’inclusion des femmes, ce qui a conduit à une attention accrue sur des questions telles que la santé maternelle et infantile, ainsi que l’éducation des filles. Les politiques publiques ont été réorientées pour garantir un accès équitable à l’éducation, entraînant une augmentation significative du taux de scolarisation des filles.

En Suède, un autre exemple marquant, les femmes leaders ont mis en avant des thématiques comme l’égalité des sexes et la parentalité partagée en 1970. Grâce à leur influence, le pays a développé des politiques favorables aux familles, telles que des congés parentaux généreux et un accès facilité aux services de garde d’enfants. Ces initiatives ont non seulement amélioré la qualité de vie des familles suédoises, mais elles ont également permis d’augmenter la participation des femmes sur le marché du travail.

Au Mexique, plusieurs municipalités dirigées par des femmes ont également vu émerger une attention renouvelée sur l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Les femmes leaders ont été plus enclines à aborder ces questions vitales pour la santé publique, ce qui a conduit à des investissements dans les infrastructures nécessaires pour améliorer les conditions de vie de leurs communautés.

Les femmes ont souvent un réseau solide au sein de leur communauté, ce qui peut faciliter l’engagement citoyen. Lorsqu’une femme est cheffe de quartier, elle peut mobiliser plus facilement les ressources locales pour des projets communautaires, comme l’organisation d’ateliers. C’est notamment  le cas dans certaines zones urbaines du Sénégal, où les femmes cheffes de quartier ont réussi à rassembler des fonds pour améliorer les infrastructures locales grâce à leur capacité à mobiliser les membres.

Que faut-il pour briser le plafond de verre ?

Il résulte de tout ceci l’impérieuse nécessité de favoriser une prise de conscience collective sur l’importance de l’égalité des sexes. Cela peut être accompli par le biais de campagnes de sensibilisation ciblées, utilisant des médias locaux, des ateliers communautaires et des événements culturels pour engager les citoyens sur les enjeux liés à la représentation féminine. Ces initiatives devraient mettre en avant des exemples inspirants de femmes leaders dans d’autres contextes, afin de démontrer que le changement est possible et bénéfique pour la communauté.

Impliquer les femmes dans la gouvernance locale serait également une étape cruciale dans le processus de développement durable. Cela pourrait se faire en leur offrant non seulement des rôles consultatifs au sein des conseils de quartier, mais aussi en leur permettant d’assumer des responsabilités clés dans la planification et l’exécution des projets communautaires. Entre autres exemples, organiser des ateliers où les femmes peuvent exprimer leurs préoccupations et proposer des solutions aux problèmes locaux renforcerait leur participation active.

Enfin, il serait bénéfique d’établir des partenariats avec des organisations non gouvernementales et des institutions locales pour soutenir ces initiatives. En intégrant ces différentes approches, nous pouvons créer un environnement propice à l’émergence et à la reconnaissance du leadership féminin au sein des communautés guinéennes, transformant ainsi les dynamiques de pouvoir et favorisant une société plus équitable.