La patente, également désignée sous le terme de contribution des patentes, est un impôt direct institué par la Direction Générale des Impôts de Guinée. Ce dispositif fiscal s’applique à toute personne morale ou physique, qu’elle soit citoyenne guinéenne ou étrangère, dès lors qu’elle exerce une activité économique, commerciale, industrielle ou toute profession lucrative non exonérée d’impôt. 

La structure de la patente se compose de deux éléments principaux : un droit fixe, qui inclut une taxe déterminée ainsi que plusieurs taxes variables selon la profession exercée, et un droit proportionnel, calculé sur la valeur locative des locaux professionnels tels que magasins, boutiques, usines, ateliers et hangars.

L’origine de cet impôt remonte à la France où il fut établi par l’Assemblée Constituante à travers le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791. Ce décret a marqué la fin des corporations et a fondé les principes de liberté du commerce et de l’industrie. À ses débuts, la patente avait pour objectif de taxer un revenu présumé en fonction des outils de travail utilisés. Elle ne concernait à l’origine que les loyers industriels. Cependant, le cadre législatif relatif à cet impôt a été modifié à plusieurs reprises au fil du temps.

Un tournant significatif dans l’évolution de la patente a eu lieu en 1844 avec une révision majeure qui a scindé l’impôt en un droit fixe et un droit proportionnel. Le droit fixe est désormais déterminé en fonction de la taille de la commune d’exercice, tandis que le droit proportionnel est établi sur la base de la valeur locative, appliquant un pourcentage qui varie selon la profession.

De plus, la propagation de cet impôt à l’échelle mondiale s’est principalement effectuée par le biais de la colonisation française, qui a adapté le système fiscal français aux colonies. Cette diffusion a contribué à ancrer la patente dans les systèmes fiscaux des pays colonisés, notamment en Afrique.

À qui s’applique la patente en Guinée ?

D’après le code général des impôts de 2021, la patente s’applique à « toute personne qui exerce sur le territoire de la République de Guinée une industrie, une profession non explicitement comprise dans le champ d’application de la Taxe professionnelle unique et les exemptions déterminées par le présent texte, est assujettie à la contribution des patentes. Les patentes sont annuelles et personnelles, et ne peuvent servir qu’à ceux à qui elles sont délivrées. Le fait habituel d’une profession comporte, seul, l’imposition des droits de patentes ».

Le calcul de la patente s’effectue selon les prescriptions du code général, notamment en son article 290 qui dispose ce qui suit : « les droits sont réglés conformément aux tableaux A. B. C et D. annexés au présent texte. Ils sont établis : d’après un tarif général pour les professions énumérées dans le tableau A, d’après un tarif spécial pour celles qui font l’objet des tableaux B C et D ».

Ce qui signifie qu’il existe quatre catégories d’activités soumises au paiement de la patente en Guinée, précisément les catégories A, B, C et D. 

Les activités visées par la catégorie A sont essentiellement commerciales et sont soumises à un tarif général. Elle est constituée du droit fixe qui se calcule en fonction du chiffre d’affaires annuel sur les activités de l’année précédente et il varie entre cinq millions (5 000 000 GNF) de francs guinéens à cinq cent mille (500 000 GNF) ; et l’imposition proportionnel qui est calculée sur la valeur locative, elle varie entre 15% à 10%. Par exemple : Pour une entreprise ayant un chiffre d’affaires annuel supérieur à un milliard cinq cent millions (1 500 000 000 GNF), la patente en droit fixe s’élèvera à 5 000 000 GNF et le droit d’imposition proportionnel dépendra de la valeur locative.

Les activités visées par les catégories B, C et D sont soumises à une tarification spéciale en fonction de la nature et de sa taille. 

La perception des nouveaux entrepreneurs sur la patente en Guinée 

Pour me faire une idée plus juste des enjeux actuels et futurs d’une telle politique de taxation, j’ai récemment mené une étude sur les perceptions des nouveaux entrepreneurs concernant la patente en Guinée. Fait plutôt choquant, l’enquête a révélé une ignorance presque totale, chez ces principaux concernés, des conditions et de l’importance de la patente dans le paysage entrepreneurial guinéen qui, même s’il s’est considérablement amélioré ces dernières années, demeure en grande partie léthargique. 

Cet amer constat était sans appel au fil des entretiens menés : aussi bien en raison de leur niveau d’éducation que de leurs expériences professionnelles, l’écrasante majorité des entrepreneurs guinéens ont une connaissance et une compréhension très limitées de cette taxe.Concernant la connaissance de la patente avant la création de leur entreprise, les avis sont partagés. 

Par exemple, M.K affirme avoir été informé de la patente, expliquant qu’elle est définie par le code général des impôts comme une taxe due par toute entreprise exerçant sur le territoire guinéen, calculée sur ses immobilisations. 

En revanche, d’autres entrepreneurs, comme KB, déclarent n’avoir eu aucune connaissance de son existence avant le lancement de leur activité.

Sur la question du paiement régulier de la patente, les réponses sont préoccupantes. M.K souligne qu’il ne paie pas régulièrement cette taxe, citant un manque de transparence dans le processus de recouvrement, qui conduit souvent à des détournements par certains agents. D’autres entrepreneurs partagent ce sentiment, indiquant que l’insuffisance des efforts pour le développement communautaire renforce leur scepticisme quant à l’utilisation des fonds collectés.

Cette étude met en lumière une méconnaissance généralisée de la patente et soulève des inquiétudes quant à son recouvrement et son utilisation, ce qui pourrait impacter négativement l’engagement des entrepreneurs à s’acquitter de cette taxe.

Impacts du paiement anticipé de la patente sur les entreprises naissantes 

L’obligation de payer la patente dès la première année d’activité peut avoir des répercussions significatives sur la viabilité financière des entreprises en phase de démarrage. 

1. Fardeau financier initial

Le paiement immédiat de la patente représente un fardeau financier considérable pour les nouvelles entreprises, souvent déjà confrontées à des contraintes de trésorerie. Cette obligation peut réduire les ressources disponibles pour des investissements cruciaux tels que le développement commercial, le recrutement de personnel qualifié et l’acquisition d’équipements nécessaires à l’exploitation. En conséquence, les entrepreneurs peuvent se voir contraints de retarder des décisions stratégiques essentielles à leur croissance.

2. Risque de liquidité et faillite

Lorsque les entreprises rencontrent des difficultés financières au cours de leur première année d’activité, le paiement de la patente peut exacerber les problèmes de liquidité. Si elles ne parviennent pas à respecter leurs obligations fiscales, elles risquent non seulement des sanctions financières, mais également une mise en péril de leur existence même. Ce fardeau fiscal peut ainsi retarder l’atteinte de la rentabilité et compromettre leur capacité à réinvestir dans leur développement à long terme.

3. Charge administrative accrue

La gestion des obligations fiscales dès le début de l’activité entraîne également une charge administrative supplémentaire pour ces jeunes entreprises. Cela nécessite une planification financière rigoureuse et une comptabilité précise afin d’assurer le respect des délais et des exigences fiscales. L’absence d’une telle organisation peut mener à des erreurs coûteuses et à une détérioration de la santé financière.

C’est pourquoi certaines juridictions choisissent d’exonérer les nouvelles entreprises du paiement de la patente pendant une période initiale. Par exemple, en Côte d’Ivoire, les nouvelles entreprises sont exemptées du paiement de la patente pendant trois ans, ce qui leur permet de se concentrer sur leur développement sans être accablées par une charge fiscale précoce. Cette approche favorise un environnement entrepreneurial plus favorable et stimule la croissance économique.

Quelques propositions de solution 

1) L’exonération temporaire pour les nouvelles entreprises  : 

Selon le code général des impôts en son article (art 320), sont exonérés du paiement de la patente : 

– Les personnes soumises à la taxe professionnelle unique ;

– Les sociétés titulaires d’un titre minier ou bénéficiant d’une exonération ;

– L’État et les établissements publics pour les services d’utilités publiques ;

– Les employés et fonctionnaires salariés pour ces services ;

– Les maîtres ouvriers des corps de troupes ;

– Les peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs… 

Uniformiser cette exonération à tous les niveaux pendant deux(02) ans d’exercices pourrait aider à stimuler l’entrepreneuriat et encourager la création de nouvelles entreprises comme c’est le cas en Côte d’Ivoire. 

Cela permettrait aux nouveaux entrepreneurs de démarrer leur activité sans être immédiatement accablés par des charges fiscales, ce qui leur donnerait une certaine marge de manœuvre financière pour développer et consolider leur activité. De plus, cette mesure pourrait encourager l’innovation et la diversification économique. 

La mise en place de la patente minimum forfaitaire pour la première année d’exercice 

À défaut de l’exonération pendant 2 ans d’exercice, un montant minimum pourrait être fixé : cela permettrait aux nouvelles entreprises de savoir à quoi s’attendre en termes de charges fiscales, ce qui faciliterait leur planification financière. Aussi, cela pourrait éviter que de très jeunes entreprises se retrouvent à payer des montants disproportionnés par rapport à leurs revenus initiaux. Cette mesure offrirait une certaine stabilité et prévisibilité aux nouveaux entrepreneurs. Un montant forfaitaire accessible à tous.

L’établissement de critères plus souples pour son calcul initial pourrait être envisagé  

À défaut des deux dernières solutions, nous pouvons ajuster les critères de calcul pour mieux prendre en compte la situation spécifique des nouvelles entreprises, notamment leur taille, leur secteur d’activité et leur potentiel de croissance. Cela permettrait de mieux refléter la réalité économique des jeunes entreprises et de réduire la charge financière qui pèse sur elles au démarrage.

Pour y parvenir, il est important de faire connaître l’existence de la patente communale à la population en mettant en place des campagnes de sensibilisation à travers des canaux de communication populaires tels que les médias locaux, les réseaux sociaux et les communautés en ligne. 

Il pourrait également être utile d’organiser des séminaires, des ateliers ou des sessions d’information dans les quartiers et les zones commerciales pour éduquer les entrepreneurs potentiels sur l’importance et les implications de la patente communale. En outre, travailler en étroite collaboration avec les associations professionnelles, les chambres de commerce locales et d’autres organisations pertinentes pourrait aider à diffuser efficacement l’information et à sensibiliser la population à ce sujet.

Pour finir, des programmes d’accompagnement financier ou fiscal spécifiquement destinés aux jeunes entreprises pourraient être mis en place afin de soutenir leur croissance durant leurs premières années. Les autorités locales et les acteurs économiques doivent travailler ensemble pour trouver des solutions favorables au développement des nouvelles entreprises. En encourageant un environnement fiscal plus favorable aux jeunes entreprises, nous contribuons à stimuler l’entrepreneuriat et à favoriser la création d’emplois dans nos communautés.