Culture, Décryptage • 13 mai 2025 • Mamadou Kossa CAMARA
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Moussa Koffoé a tout donné à son pays. C’était le premier influenceur avant la vague que nous connaissons aujourd’hui.
Moussa Koffoé nous a quittés lundi tôt le matin à Kindia. C’était un grand Monsieur, un homme infiniment bon, une âme profondément humaniste, un guinéen de toutes les ethnies, une personne au talent fou. Son décès est un choc, une blessure, une douleur, une perte immense. Moussa Koffoé était un baobab du cinéma guinéen. Il avait le secret de parler à tous les Guinéens. Il avait aussi et toujours le mot juste, l’humour au grand air, la fantaisie d’esthète.
Un merci ne suffit pas. Un au revoir serait indigne. Un hommage national sera le plus beau cadeau que l’Etat aura offert à son âme pour l’accompagner dans son long voyage qui a démarré. Oui, un hommage national car son héritage est immense, sa contribution à l’éducation populaire est innommable et le sacrifice qu’il a consenti pour l’unité de tous les Guinéens n’a pas de prix. Il mérite la reconnaissance de la Nation. Il mérite qu’on baptise un monument, un ouvrage d’envergure, une école, une université, une avenue, une route, une bibliothèque, un musée à son nom de comédien.
Moussa Koffoé a tout donné à son pays. C’était le premier influenceur avant la vague que nous connaissons aujourd’hui. Mais un influenceur positif qui ne demandait qu’à être soutenu, qui ne voyait que la grandeur de ses initiatives, qui n’aspirait qu’à ce que le cinéma guinéen brille. N’Fa Moussa Keita a marqué toute une génération de Guinéens. Il a vécu dans la plus grande dignité, vivant en partie de son art mais surtout de son métier de couturier sans jamais se renier.
Koffoé était le plus grand acteur du cinéma guinéen qui a réussi à propulser plusieurs grands comédiens comme Kabakoudou. Lorsqu’on regarde dans le rétroviseur, on se rend compte qu’il parlait beaucoup d’Afrique et qu’il était quelque part étonné du manque de reconnaissance des autorités de son pays.
La disparition sur les écrans de la télévision nationale des troupes « Péssè- Masalan missali », « Lewroudjèrè », « Benso-Sodia » est un scandale. Tous les jeudis soir, les Guinéens avaient rendez-vous avec leurs comédiens comme « commandant », « Mansa Trouba », « Bébé Sodia », « Yahouba », « Alkhaly », « Abou dessinateur », « Saliou Bella », « Mody Oumarou », « mon Directeur », « Mody Harouna », et tant d’autres. Beaucoup sont morts dans l’anonymat complet et ceux qui vivent sont confrontés à une vie difficile alors qu’ils ont tout donné à leur pays qui leur a tourné le dos.
Tout ce que nos anciens ont bien construit se consume à petit feu et notre histoire se meurt ainsi. Jamais le talent de nos artistes, de nos intellectuels, de nos comédiens n’a été célébré, reconnu, honoré, applaudi. Notre ingratitude nationale est notre premier et pire ennemi. Nous sommes un pays qui a longtemps célébré la médiocrité et pourfendu la compétence.
Moussa Koffoé doit être la rupture. C’est-à-dire que l’Etat devrait davantage s’intéresser à ceux qui ont contribué à véhiculer les messages de cohésion, de paix et d’union, car ils constituent un patrimoine culturel laissé à l’agonie, oublié dans les tiroirs du passé alors que l’histoire montre qu’ils ont été les artisans de l’identité artistique et culturelle du pays.
Les Guinéens ont un talent immense mais sont toujours obligés de quitter leur pays pour faire éclore le génie qui sommeille en eux. Ils sont nombreux à vivre à l’étranger. L’Etat devait avoir une politique de valorisation, de gestion des connaissances, de conservation du patrimoine pluriel et de la mémoire collective qui font de nous des Guinéens et qui nous distingue du reste du monde.
Le décès de Moussa Koffoé doit nous réveiller. Tous. Chacun doit participer à ce que son héritage se perpétue pour que plus jamais, notre Nation n’oublie ses fils et ses filles qui ont travaillé à son élévation.
Ce que Tierno Monénembo est pour la littérature, Moussa Koffoé l’était pour le cinéma.
Responsable du service communication de la ville de Lectoure (32) en France. Il analyse depuis 2020 ...
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