À la une, Analyse, Décryptage • 28 octobre 2025 • Mamadou Kossa CAMARA
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L’ensemble donne l’impression d’un simple exercice de suivisme, sans réelle réflexion.
Ce dimanche 26 octobre, au stade Santiago-Bernabéu, le premier Clasico de la saison entre le Real Madrid et le FC Barcelone s’est achevé sur le score de 2-1 en faveur des Merengues.
Une séquence a particulièrement retenu l’attention sur les réseaux sociaux à l’issue de ce match habituellement très attendu : celle où l’on voit Pedri tirer le maillot de Vinícius. Après le match, ce dernier a publié sur Instagram une photo de son maillot tiré, accompagnée d’un message ironique. Ce troll a rapidement été détourné par plusieurs community managers guinéens.

Quand la tendance devient un argument pour copier
Tout est parti d’un post Facebook de l’entreprise de téléphonie mobile Cellcom Guinée.
Le lundi 28 octobre à 12h55, l’entreprise publie un visuel reprenant la séquence Pedri-Vinícius, accompagné du message : « Continue d’avancer, même s’ils pensent que tu es éliminé. »

Le buzz est quasi immédiat : plus de 4,3 K mentions « J’aime », 965 commentaires et 1,1 K partages. Mais quel était réellement l’objectif d’une telle publication ? Vendre ? Améliorer son image ? Soigner sa réputation ? Aucun de ces éléments ne semble justifier cette démarche. Ce buzz gratuit révèle plutôt que l’entreprise reconnaît implicitement sa perte de vitesse et sa relative invisibilité sur le marché, voire son « élimination » face à la concurrence.
La plateforme guinéenne dédiée à l’emploi et au recrutement Mansa Talents a ensuite emboîté le pas. À 16h02, elle publie un visuel similaire, adapté à son identité visuelle, avec la phrase : « Ils te freinent. Nous, on t’accélère. » Le texte accompagnant la publication détaille : « Sur le marché de l’emploi comme sur le terrain, il y a ceux qui freinent et ceux qui accélèrent. Chez Mansa Talents, on aide les candidats à révéler leur potentiel et on permet aux entreprises de recruter plus vite, plus juste. Parce qu’ensemble, on joue dans la même équipe : celle du changement. Ils te freinent. Nous, on t’accélère. »

Cependant, le résultat n’est pas à la hauteur : le message manque de cohérence et d’impact. Le post n’a généré que 157 likes, 14 commentaires et 43 partages en huit heures.
De son côté, Orange Money Guinée n’a pas voulu rester en marge de cette vague que certains pourraient appeler à tort, « tendance ». À 19h28, l’entreprise publie à son tour un visuel, cette fois généré par intelligence artificielle dans le style Studio Ghibli. L’image reste reconnaissable : un clin d’œil à l’action du maillot tiré entre Pedri et Vinícius et la temporalité. Son message, bien construit, joue sur l’humour : « MondayMotivation – Va droit au but comme le Real ! Toi aussi, joue la contre-attaque ce lundi ! Un léger dépôt Orange Money et ça repart ! »

Derrière la touche humoristique, l’objectif est clair : inciter à l’utilisation du service et donc à la consommation.
La plateforme Nimba Hub, spécialisée dans la formation aux métiers du digital, s’est également prêtée au jeu. À 20h30, elle publie un visuel réel de l’action Pedri-Vinícius, avec la phrase : « Quand les autres essaient de te rattraper, mais que t’as été formé chez Nimba Hub. » Le corps du post ajoute : « À Nimba Hub, on apprend à aller plus vite. Deviens celui ou celle qu’on essaye de rattraper. »

Quatre heures après sa publication, le post comptabilisait 183 likes, 22 commentaires et 38 partages.
Si l’entreprise est restée dans son cœur de métier, son message manquait de saveur, de clarté et de créativité. L’ensemble donne l’impression d’un simple exercice de suivisme, sans réelle réflexion.
Le mimétisme et les maladresses
Ce n’est pas la première fois que des entreprises de toutes tailles adoptent ce ton familier sur les réseaux sociaux pour créer de l’engagement. Cette pratique, popularisée par des influenceurs ivoiriens dès 2023, s’est progressivement diffusée en Guinée. Des pages d’influenceurs majeurs aux nano-influenceurs, ce style spontané et humoristique s’est imposé avant d’être repris par les entreprises guinéennes et ivoiriennes.
Ce langage ordinaire, s’il peut générer du trafic sur une page Facebook, convertit rarement en ventes. Il relève davantage du divertissement que d’une véritable stratégie de communication.
Or, la communication institutionnelle ou commerciale ne peut durablement adopter le langage de la rue. En le faisant, les community managers fragilisent l’image de sérieux de leurs entreprises et la confiance que celles-ci devraient inspirer à l’opinion publique.
S’inspirer d’une actualité et la détourner avec créativité est une pratique courante ; l’agence française Buzzman en a fait sa spécialité. Mais derrière ces messages décalés, il y a toujours des créatifs formés à cet exercice.
Le 10 juillet 2023, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique guinéen s’était déjà aventuré sur ce terrain risqué. Son service de communication avait publié un visuel sur la paie des étudiants avec ce message : « Même si on est pressé de rembourser les petites dettes et donner un peu à Bae, demain tan, c’est UN GRAND JOUR DHÈ !! »
Le post, jugé inapproprié, avait été retiré après polémique. Ce genre d’écart peut faire sourire, mais il constitue surtout un facteur de détérioration d’image.
Il ne faut jamais oublier que l’image d’une entreprise est la perception que s’en font les individus, des opinions qu’ils en ont à partir de ce qu’ils perçoivent.

Responsable du service communication de la ville de Lectoure (32) en France. Il analyse depuis 2020 ...
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