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Singleton : et si…

Décryptage, Culture, À la une • 13 septembre 2025 • Alpha Seck

⏳ 7 min de lecture

Singleton : et si…

La mort de Mohamed Traoré, et la condamnation ridicule infligée à Singleton à cet effet, appartiennent à cette catégorie d’événements qui fissurent nos certitudes et nous contraignent à reprendre la plume.

C’est un sentiment singulier que de revenir sur une décision. Qu’il est étrange, ce vertige intérieur qu’occasionne la rupture d’une parole donnée ! Entre l’exigence intime de cohérence et la réalité mouvante – toujours mouvante d’ailleurs – des circonstances qui n’ont que faire de nos engagements, nous nous découvrons face au miroir de nos contradictions, là où il n’existe aucune échappatoire.

J’avais décidé, après la publication de mon article sur Singleton en janvier dernier, de ne plus parler de lui. J’avais décidé, persuadé qu’il n’en valait plus la peine, de l’effacer de ma mémoire ; de feindre qu’il n’avait jamais existé ce temps où, adolescent, je l’érigeais en modèle. Et pourtant, me voici à nouveau, contraint d’aligner des mots dont il occupe à la fois le centre incandescent et l’ombre portée. Me voici, bien malgré moi, en train de céder à cette cocasse nécessité : celle de me libérer de paroles dont il est à la fois le prétexte et le révélateur, le catalyseur d’une pensée qui, sans lui, n’aurait peut-être pas pris cette forme.

Si je m’inflige cette peine, c’est parce qu’il est des drames qui arrivent, des verdicts qui tombent et qui viennent troubler le sommeil de décisions que l’on croyait irréversibles, immuables. La mort de Mohamed Traoré, et la condamnation ridicule infligée à Singleton à cet effet, appartiennent à cette catégorie d’événements qui fissurent nos certitudes et nous contraignent à reprendre la plume.

Rappelons vite les faits : le 28 août dernier, à Coyah, le véhicule de Singleton est impliqué dans un accident de circulation. Un motard d’une soixantaine d’années, Mohamed Traoré, chute et se retrouve coincé sous les roues de la voiture de l’artiste. Sa moto est écartelée. Lui est conduit à l’hôpital où il sera déclaré mort quelques instants plus tard.

Ce qui frappe, c’est que l’artiste, choqué et paniqué (ainsi qu’il l’arguera devant le tribunal), ne daigne même pas descendre de son véhicule. Pire, il se contentera, selon la famille du défunt, de leur envoyer une délégation et la modique somme de 2 millions de francs guinéens afin de financer les obsèques. Jusqu’auboutiste dans sa démarche, laquelle voile à peine un mépris vis-à-vis de la famille endeuillée et un sentiment de toute-puissance nourri par sa position de défenseur zélé du président putschiste Mamadi Doumbouya, il dira, à un journaliste, avoir laissé son numéro de téléphone à la famille pour le joindre en cas de besoin. C’est dire la banalité glaciale avec laquelle la mort, en Guinée, peut être réduite à un incident secondaire, une formalité vite réglée par un billet et un numéro de téléphone.

Mais Singleton avait sans doute sous-estimé l’indignation que son acte et ses propos allaient bientôt susciter. Sur les réseaux sociaux, des publications affluent. Çà et là, on compare le drame à celui survenu en Côte d’Ivoire, qui impliquait Molare, tout aussi artiste que lui (si tant est que ce statut puisse servir de bouclier contre la prison). Ce dernier, à la différence de notre « paniqué », s’était présenté de son propre chef aux autorités.

Il est difficile, sinon impossible, de ne pas croire que, parce qu’engagé dans une campagne pour faire passer le projet de nouvelle constitution, les autorités guinéennes aient persuadé Singleton de coopérer afin de calmer les ardeurs. Difficile, à la lumière du verdict final, de ne pas imaginer qu’on l’ait assuré, rassuré quant à l’issue du procès : lui, Singleton, lui, leur soutien à la santé féale, lui, l’artiste qui injurie leurs « ennemis », celui à qui ils ont offert la voiture (celle-là même qui a coûté la vie au sexagénaire), lui qui réduit Tierno Monénembo à un vil vieillard parce qu’il dénonce les dérives du CNRD, lui, « Mista Guèmè », n’allait évidemment pas connaître la prison ferme. Est-ce pour cela qu’il est entré dans la salle d’audience de tout blanc vêtu, lunettes noires vissées sur les yeux pour mieux camoufler sa vraie expression occultée par des larmes qui n’émeuvent qu’un aveugle privé d’ouïe ?

Après quelques jours de procès, le verdict final est donc tombé ce mercredi 10 septembre 2025 : un an de prison avec sursis, assorti d’une amende de 10 millions de francs guinéens, auxquels s’ajoutent 900 millions de francs guinéens de dommages et intérêts aux ayant droit de Mohamed Traoré. Voilà donc ce à quoi peut s’attendre un soutien de la junte en Guinée. C’est donc cela, la punition pour homicide involontaire d’une personne ayant prêté allégeance à Mamadi Doumbouya.

Souvenez-vous : le 28 mai dernier, Aliou Bah était condamné en appel à deux ans de prison ferme pour « offense et diffamation » envers le tombeur d’Alpha Condé. Deux ans de prison ferme pour des mots, face à un an avec sursis pour une vie ôtée. Voilà l’épure de ce « deux poids, deux mesures » qui se joue devant nous, et qui en dit plus long que toutes les professions de foi sur la justice indépendante que la junte nous sert en boucle.

On en vient à se demander : que vaut donc la vie d’un citoyen lambda, fauché sur une route, lorsqu’elle est mise en balance avec les nerfs froissés d’un pouvoir militaire qui ne tolère pas la critique ? Pourquoi punit-on plus sévèrement une phrase qui déplaît qu’un acte qui tue ? Et surtout, que révèle ce déséquilibre sinon la logique acariâtre d’un régime où la gravité d’un crime n’est pas mesurée à l’aune de la souffrance qu’il provoque, mais à la proximité du fautif avec le trône ?

Alors oui, peut-être que je romps ma résolution de ne plus écrire sur Singleton, mais en vérité, ce n’est pas de lui qu’il s’agit. Il n’est que l’illustration la plus crue de ce système où la justice s’ajuste, se plie et s’incline selon la proximité avec le centre du pouvoir. C’est là, justement (et fatalement), le drame véritable : lorsque les sentences ne sont plus l’expression d’une vérité judiciaire mais le reflet d’un rapport de forces, c’est toute la société qui apprend à ne plus croire en la justice. Et dans un pays où l’on ne croit plus à la justice, c’est toujours la loi du plus fort qui finit par régner. Et le plus fort, ici, c’est Singleton : Il n’ira pas en prison.

Dans « Vivre vite », Prix Goncourt 2022, Brigitte Giraud tente de disséquer les raisons de la mort de son mari survenue dans un accident alors qu’il pilotait sa moto. Elle remonte le temps, cherche à reconstituer les événements par une succession de « si », dont la chute inéluctable est le drame qui bouleverse sa vie. Ici, point de cascades d’hypothèses : un seul « si » devrait suffire. Que se serait-il passé si Singleton n’avait pas choisi de monnayer sa dignité en encourageant l’impossible, l’inacceptable ?

Je pense, à cette question, que les autorités de la transition ne lui auraient pas offert cette voiture. Je crois fermement qu’il aurait poursuivi sa route, dignement, vivant de son art et de son agriculture sans ce fardeau d’arrogance qu’offre la proximité du pouvoir. Et Mohamed Traoré, ce jour-là, ce 28 août 2025, après sa chute, se serait relevé. Le cœur battant, les mains tremblantes, il aurait senti la morsure de la peur sans fards, cette peur qui nous rappelle la fragilité de nos corps condamnés à une finitude certaine. Puis il aurait repris son chemin, encore troublé mais vivant, et peut-être, le soir venu, aurait-il raconté à ses enfants l’histoire d’un accident évité de justesse. Cet article-ci, tout comme le précédent, n’aurait jamais eu de raison d’être. Alea jacta est. Hélas !

 

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