Il y a une semaine, nous célébrions les 66 ans de notre entrée dans le fameux concert des nations souveraines. Entre élans patriotiques souvent excessifs, festivités officielles démesurément grandioses, et critiques anti-système tantôt dangereusement moralisatrices, tantôt faussement éclairées, le fait est que les défis liés à la souveraineté sont tout aussi actuels aujourd’hui qu’ils l’étaient au lendemain de notre audacieux et historique “non” au général de Gaulle.
Mais admettons, pour les besoins de l’analyse, qu’il n’y a rien de plus normal que la célébration d’une indépendance. Cela va de soi, puisque ça se fête dans tous les États du monde. Par ceux qualifiés de pauvres comme par ceux estimés développés.
Ce n’est donc pas parce qu’on a du mal à s’en sortir qu’on a pas droit à la célébrer. Se rappeler les sacrifices qu’avaient consentis nos illustres devanciers suffit pour s’en convaincre. Rien qu’à nous imaginer comme une colonie pour mesurer son importance.
En vérité, le problème n’est pas le fait d’avoir l’indépendance, ni de la fêter, mais ce que nous en avons fait depuis là. L’histoire a donné raison à la Guinée qui a osé réclamer la sienne avant beaucoup d’autres, quoique la manière puisse être jugée peu diplomatique, mais tous les pays qui avaient voté “Oui” à “la communauté” que proposait la France de De Gaulle avaient fini par recouvrer les leurs.
Maintenant, la question n’est pas celle de savoir si nous la méritons ou pas — cela serait insensé et naïf, la vraie question est de savoir qu’est-ce que nous en avons fait depuis 58 ?
Le premier régime nous a octroyé cette indépendance dans les conditions que tout le monde connaît. Il était bien prévisible, vu ces mêmes conditions, que la tâche ne serait pas du tout facile pour le jeune État d’alors, dont l’audacieux “non” a été perçu et vécu par la métropole comme un impardonnable crime de lèse-majesté. Il était donc normal d’être toujours en état d’alerte, même si des abus en avaient résulté. Entre la nécessité de protéger la souveraineté acquise et la mise en place d’un programme de développement structurel, la première a dominé tout le long de ce régime.
Le deuxième régime, celui de Conté, devrait être une occasion en or pour mettre en place un véritable programme de développement, puisqu’il n’avait non seulement aucune puissance ennemie sur le dos, mais aussi il pouvait lucidement tirer des leçons sur les dérives du passé tout en conservant les acquis du régime primordial. Mais c’était sans compter sur l’implantation d’un système corrompu jusqu’à la limite de l’inconcevable. Inutile de dire que ce régime, qui fut le plus long dans l’histoire du pays, fut une catastrophe.
La transition du CNDD avait été brève mais avec des conséquences majeures sur l’histoire du pays. C’est elle qui nous a conduits vers le régime Condé.
Dieu ! Que cet homme était vachement attendu par les Guinéens, même ceux qui n’avaient pas voté pour lui. De la richesse de sa lutte politique, de son expérience, de ses réseaux diplomatiques et du soutien inconditionnel qu’une bonne partie du peuple guinéen lui témoignait, Alpha CONDÉ était bien parti pour soulager les Guinéens. Mais sa présidence, après une décennie à la tête du pays, s’est avérée un autre leurre, une de ces occasions manquées dont est remplie notre tragique histoire nationale. C’était « l’éléphant arrivé avec un pied cassé ». Condé est ce politicien qui ne s’est battu que pour avoir le pouvoir sans penser à son exercice. Et lorsqu’il l’a eu, il ne s’est préoccupé que de sa conservation et non encore de son bon exercice. Résultat : une autre transition
La transition en cours depuis le 05 Septembre 2021 est loin d’être celle qui avait été promise lors de son avènement. En tout cas, la vérité est qu’elle a tendance à nous faire regretter le passé. De la violation flagrante des règles de droit, des droits les plus élémentaires des citoyens à la répression arbitraire et mortelle, il y a vraiment de quoi s’inquiéter quant à l’issue de cette transition. Mais puisqu’il faut toujours espérer, on espère donc que le Général Mamadi Doumbouya surprendra les Guinéens en se taillant une place du bon côté de l’histoire de ce pays.
La célébration de notre indépendance doit être donc une occasion pour nous de tirer des leçons sur tous ces échecs enregistrés au cours de notre histoire afin de rattraper ce qui nous a manqué.
Les Guinéens ont la solution à leur problème. Ils le savent peut-être, mais ils semblent ne pas encore prêts à y faire face : l’union autour de l’intérêt supérieur de la nation. Le jour où nous ferons preuve de cette vertu indispensable au progrès, tous les pouvoirs rentreront dans les normes.