À la une, Opinions, Politique • 2 septembre 2024 • Ali Camara
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Image source: Les Concernés
J’ai été amené à parler de Cellou Dalein Diallo à différentes occasions en cette période trouble pour l’avenir de notre république. À chaque fois que le président de l’UFDG a fait l’objet d’une de mes prises de positions en public, j’ai pris sur moi la mesure de la gravité du moment en faisant preuve de nuance et de mesure.
Or malgré la rigueur et l’objectivité de ces différentes sorties — soit sur Facebook ou dans les colonnes du magazine Les Concernés –, certains esprits grégaires, dans leur propension à disqualifier tout ce qui ne peint pas leur leader en homme providentiel, n’y ont vu que du désamour ou du mépris, de l’acharnement ou encore de la haine pure et simple.
Se refusant de débattre au pied des arguments, ils trouvent refuge dans la diabolisation de tout ce qui échappe à leurs retranchements politico-ethniques. Pour le dire simplement, ils croient que tous “ceux qui ne sont pas avec nous sont nécessairement contre nous.” C’est, entre autres choses, ce constat qui me conforte davantage dans ma sérénité devant leur adversité, laquelle peine à s’affirmer sans insolence et condescendance.
Le discours contradictoire et victimaire de Cellou Dalein est devenu un aveu d’échec
Ma position sur Cellou Dalein Diallo et son engagement politique n’a donc pas bougé dans le fond. En fait, elle s’est ancrée davantage avec ses récentes sorties hasardeuses et ses communications politiques à connotation ethnique. Même si je garde, à quelques égards, une certaine estime pour l’homme, il continue de briller par la moraline ethnique, l’amateurisme politique, le hors-jeu et un certain tribalisme.
Et au nom de la “Veille Citoyenne” pour laquelle j’ai très tôt pris position et pourvu que peu à peu le bruit habituel fasse place à la raison et la réflexion, je ne peux, en parlant de l’homme politique qu’il est, m’empêcher d’évoquer son histoire politique, son effraction sur la scène politique nationale, ainsi que ses prises de position à la fois controversées et contradictoires qui, très souvent, échappent aux idéaux politiques qu’il croit à tort incarner.
Ce n’est pas faire de la politique que de vouloir à tout prix se cacher derrière la victimisation ethnique. La Guinée n’en a pas besoin. Pourtant, Cellou Dalein Diallo en a fait son principal bouclier politique, en ramenant systématiquement tout ce qui lui arrive à son appartenance ethnique. Sa dernière allocution pendant un meeting en banlieue new-yorkaise n’y a pas échappé.
Au-delà d’attiser les tensions ethniques, ce discours trouve également écho dans le business des voyages pour les États-Unis via le Nicaragua et parmi ces milliers de jeunes qui, confrontés aux aléas de l’aventure, y trouveront plus facilement les ingrédients pour inventer les pires mensonges au sujet de leur propre pays dans l’espoir d’obtenir l’asile politique.
C’est ce genre de posture politique qui met en danger l’unité nationale en emportant par la même occasion tout projet de renouveau politique en Guinée.
Et c’est d’ailleurs pourquoi, à laurée de cette transition, pendant que l’euphorie et les grands espoirs étaient presqu’envahissants, je fus de ceux qui ont appelé à la retenue, à la clairvoyance, mais surtout à sortir des sentiers battus et des enclos ethniques afin que le dialogue inter-guinéen soit définitivement républicain.
Nos politiques ont préféré la confrontation habituelle au dialogue national
Une transition politique peut être interminable ou se métamorphoser en régime permanent si ses principaux acteurs tiennent à jouer au plus fort. Il arrive que dans les entreprises de sabotage des uns et les ripostes des autres, on oublie hélas les questions d’intérêt général aux profits des guerres d’ego et d’insouciance générale.
Car à force de mettre de côté la vision d’ensemble, nos politicards ne se battent plus que pour leurs propres intérêts politico-financiers. Qu’on ne soit donc plus étonné quand, alors que s’impose l’urgence d’une sortie réussie de cette transition, tout leur souci demeure l’organisation rapide d’élections présidentielles et législatives.
Non contents d’avoir passé tout ce temps à mettre des bâtons dans les roues de la transition et rendu fertile un blocage politique où tout le monde cherche finalement à montrer ses muscles, ils s’apprêtent désormais à recycler leur stratégie de grèves illimitées et de “ville morte.” Peu importe si des dizaines de compatriotes trouvent encore la mort dans ces épisodes de ville morte qui s’annoncent ou que des familles qui vivent au jour le jour peinent à joindre les deux bouts. Le plus important est apparemment d’organiser les élections.
Cellou Dalein Diallo est de ce point de vue non seulement un problème pour lui-même, mais aussi pour tous ceux qui, dans l’utopie d’un rêve politique mal articulé, ont cru bon de lui donner un crédit qu’il n’a pas encore su mériter. Et le pire est peut-être que la plupart de nos jeunes leaders politiques émergents, qu’ils souhaitent bousculer la vieille garde ou qu’ils aient décidé de la ménager, brillent souvent par leur manque de cohérence, d’aplomb et d’efficacité.
Les autorités de la transition sèment la confusion avec leur intransigeance
Mais à la décharge de tous ces politiciens qui surfent sur la construction démocratique, nos réformateurs de la transition, panafricanistes à mi-temps, sont eux aussi coupables de faire chavirer leur propre bateau.
A regarder de très près le climat politique délétère et la conjoncture socio-économique asphyxiante qui règnent en Guinée, l’alarmant constat est que les autorités de la transition ont largement perdu le sens de la retenue et l’obligation de se mettre au-dessus de la mêlée. Ils sont de ce fait en train de jouer aux rancuniers. Ils ne veulent rien encaisser ; ils veulent eux aussi retourner l’ascenseur.
Mais après trois années d’attente, marquées par l’absence de perspectives claires, la volonté déclarée du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) de mener des réformes institutionnelles qui redressent la gouvernance politique de manière générale est de plus en plus perçue comme une tentative dilatoire qui consiste à se maintenir au pouvoir.
Désormais, chacun fixe chacun “les yeux dans les yeux,” comme on dirait chez nous. Tout le monde s’attend au tournant, et pendant ce temps la transition s’enlise. Dans le cafouillage entretenu par les uns et les autres, les promesses de changement tendent à se transformer en foire des démagogues et la boussole promise de la justice est devenue introuvable.
La Guinée a besoin d’une tout autre classe politique
Pour revenir à Cellou Dalein Diallo, il faut dire très clairement que je fais partie de ceux qui n’ont jamais cru à la blague de son intégrité morale et de sa clairvoyance ou sagacité politique. Aujourd’hui comme hier, je demeure convaincu que le leader de l’UFDG est très loin d’être le visionnaire et compétent technocrate qui va fondamentalement redresser la Guinée.
Même s’il est peut-être le plus en vogue de nos leaders politiques, force est de reconnaître que, pour autant qu’il gesticule à longueur de meetings à l’étranger et d’interviews dans les médias nationaux et internationaux, il n’a visiblement — et très malheureusement — pas encore retenu la leçon de plus de deux décennies de défaite politique. Ce que nous savons de sa gestion administrative et de son engagement sur le champ politique prouve à suffisance que si jamais le leader de l’UFDG parvenait un jour à se faire élire à la magistrature suprême de notre pays, il serait parmi les pires cauchemars de notre histoire.
La Guinée vit encore une fois des moments d’incertitudes et fait face à une crise d’alternative qui, hélas, ne semble alarmer que quelques-uns. Quant à la grande majorité, surtout dans les rangs de ceux-là même qui aspirent à nous gouverner, ils n’ont d’égards que pour leurs calculs ethno-stratégiques. La crise politique guinéenne demeure on ne peut plus profonde. Pour l’heure, donc, il ne sert à rien de vouloir nous convaincre que notre salut national se trouve dans la vision politico-ethnique et le manque de clairvoyance stratégique qu’incarne le leader de l’UFDG.
Ali est diplômé en Droit des Affaires de L’Université Général Lansana Conté de Sonfonia (UGLC-S ). I...
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